L'Homme

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Esprit Requien, né à Avignon, le 6 mai 1788, et mort à Bonifacio le 30 mai 1851, fut un des savants les plus distingués de la première moitié du XIXème siècle. Sa réputation comme naturaliste, et surtout comme botaniste, était universelle. Une quantité considérable de genres et d'espèces, dans la flore et dans la faune, portent son nom, soit qu'il les ait lui-même découverts, soit qu'ils lui aient été dédiés par d'autres savants.
Fondateur du Musée d’Histoire naturelle d’après le portrait de Bigand, galerie des Vauclusiens au Musée Calvet.
A plusieurs reprises, le gouvernement l'avait chargé de missions scientifiques, et ce fut dans un second voyage qu'il avait accepté de faire en Corse, pour dresser le catalogue des plantes et des coquilles de cette île, qu'il mourut en laissant à son savant ami, Moquin-Tandon, le soin de publier ce double travail.

Bien que les sciences naturelles fussent le principal objet de ses études, il s'était aussi adonné à l'histoire, surtout à l'histoire locale, ainsi qu'à la numismatique et à la sigillographie. Il a laissé sur ces sujets plusieurs ouvrages.
Sa maison était modestement située à Avignon dans la rue de l'Ombre, qu'avait déjà habitée, en 1696, un autre illustre avignonnais, Pierre Parrocel, membre de l'Académie royale de peinture, et dont le beau-père, Jean Saisson, exerçait, comme le père de Requien, le commerce de la peausserie. C'était le rendez-vous de toutes les illustrations locales : de Cambis d'Orsan, pair de France, Castil Blaze, le célèbre critique musical, Armand de Pontmartin, l'éminent littérateur, Hyacinthe Morel, le spirituel ancêtre des félibres, le colonel Chantron, aquarelliste et dessinateur distingué, le docteur Guérin, savant botaniste et physicien, le peintre versaillais Bigand, qui s'était épris du séjour d'Avignon, et dont le Musée Calvet possède , entre autres œuvres, un superbe portrait de la mère de Requien, dans son ancien costume avignonnais.
Il avait pour amis et pour correspondants tous les savants de l'époque, qui ne manquaient jamais de lui rendre visite, en passant à Avignon. Horace Vernet et Mérimée étaient ses commensaux. Les nombreuses lettres que ce dernier lui adressait ont été éditées en partie, sous le titre de Lettres de Mérimée à Requien, dans la Revue de Paris, n° du 15 avril 1898.

Au commencement du siècle, les collectionneurs pouvaient acheter, à bas prix, de précieuses épaves des dilapidations révolutionnaires. C'est ainsi que Requien put acquérir un ensemble unique de manuscrits et d'imprimés relatifs à l'histoire locale, dont la valeur se trouve aujourd'hui centuplée, et qu'il serait impossible de réunir, même au prix d'excessives dépenses.

Il n'attendit pas son décès pour en faire bénéficier ses concitoyens. Voici en quels termes, le 5 janvier 1839 , il offrait sa collection historique aux administrateurs du Musée Calvet :

« Messieurs et chers collègues,
Convaincu qu'une des choses les plus utiles à un pays est le recueil des documents qui le concernent, depuis trente ans je travaille à former une bibliothèque de livres imprimés ou manuscrits relatifs à Avignon, au département de Vaucluse et aux trois provinces qui l'entourent et dont l'histoire se lie si intimement à la nôtre. Je suis parvenu, non sans peine et non sans dépense, à recueillir au moins trois mille volumes imprimés, parmi lesquels beaucoup de très rares, je dirai même presque uniques ; je me bornerai à citer le Recueil que j'ai formé de pièces imprimées ou manuscrites sur l'histoire ou les événements d'Avignon depuis le seizième siècle jusqu'à nos jours, recueil qui forme plus de cent volumes de tous les formats, et qui contient plus de dix mille pièces diverses...
Parmi plus de 200 manuscrits précieux,  je ne citerai que les Statuts de la République d'Avignon en 1243, l'Histoire des guerres du Comtat de Pérussis, un Concile inédit de Benoit XIII, l'Histoire d'Avignon par de Cambis-Velleron, le monument le plus considérable sur nos annales, un cartulaire qui commence en 1322, etc...
Croyant cette collection historique la plus complète qui existe, soit dans les établissements publics, soit chez des particuliers, mon intention était d'en faire jouir mon pays après moi, sous la condition qu'une salle particulière serait affectée au don que je faisais ; que le petit nombre d'ouvrages de ce genre que  possède le Musée, ainsi que ceux qu'il acquerra à  l'avenir, seraient réunis aux miens ; qu'enfin  ce serait une salle spéciale destinée aux  documents sur l'histoire d'Avignon et du Midi de la France. »
Mais Requien ajoutait que, pour encourager l'étude de l'histoire locale, il offrait de donner immédiatement sa bibliothèque à la condition « sine qua non » que le Conseil municipal voterait de son côté les fonds nécessaires pour ajouter une salle spéciale aux bâtiments du Musée Calvet, « dépense médiocre, disait-il, que la valeur de trois à quatre de mes manuscrits compenserait et au-delà. »
Un arrêté préfectoral, du 15 mars 1839 accorda l'autorisation nécessaire, ainsi motivée :
« Attendu que la donation dont il s'agit est d'un grand prix pour le Musée Calvet, pour la ville d’Avignon, pour le département de Vaucluse et pour l'histoire nationale ;
Attendu que le Conseil municipal d'Avignon a voté en principe la construction d'une salle particulière pour recueillir les documents historiques offerts en donation...Il y a lieu d'autoriser l’administration du Musée Calvet à accepter l'offre de donation faite à cet établissement   sous la condition imposée  par M. Requien ».
Dans son testament, Requien confirma cette donation et y ajouta une précieuse collection de manuscrits et d'autographes:

«...Je confirme, si besoin est, les dons que j'ai faits au Musée Calvet de mon vivant, savoir:

Ma bibliothèque relative aux provinces méridionales de la France et surtout à Avignon, à laquelle on a bien voulu donner mon nom. Il n'en existe pas d'aussi complète.

...Je donne aussi au même Musée mes albums et ma précieuse collection d'autographes..., ma volumineuse correspondance des naturalistes... et ce qui concerne les grands personnages historiques, littéraires,  artistiques, etc.

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Requien, était entré de bonne heure dans le Conseil du Musée comme administrateur nommé par le Conseil municipal le 8 juin 1819 ; il fut ensuite, après la liquidation de sa tannerie, nommé exécuteur testamentaire, le 25 mai 1838 ; il deviendra enfin, directeur du Musée de 1849 à 1851. Mais depuis plus de vingt-cinq ans, il exerçait les fonctions de directeur sans en avoir le titre. Tout le monde s'effaçait devant lui ; sa grande expérience, son savoir, ses relations, lui assuraient une autorité indiscutée. Aurait-il d'ailleurs souffert d'une contradiction ?

« Le Musée, c'est moi ! » dira-t-il un jour. Rien ne se faisait donc sans lui au Musée. Il inspirait notamment toutes les acquisitions et n'avait pas son pareil pour provoquer des libéralités. « Vous faites arriver les dons de tous côtés, voire même de l'argent pour des achats, lui écrivait Artaud. Vous avez si bonne grâce en demandant qu'on ne saurait vous payer d'un refus ». Il obtenait beaucoup parce qu'il donnait beaucoup lui-même. Il déploya une activité considérable pendant les années fécondes qui suivent le transfert du Musée Calvet dans l'hôtel de Villeneuve. Pendant cette période, l'institution, suivant l'expression de Louis Gillet, conserva « l'élan de la nouveauté » ; elle fut transformée et développée dans de telles proportions qu'il ne paraît pas exagéré de considérer Requien comme le second fondateur du Museum Calvet.

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