Introduction

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Ce fils de propriétaire-tanneur naquit en 1788 dans une demeure des plus modestes, près la rue des Lices, au-dessus des ateliers et à proximité de la Sorgue. Rien ne prédestinait Esprit Requien à devenir le personnage qu’il devint et surtout rien ne laissait imaginer l’indifférence dans laquelle le tiendraient nos concitoyens.

Malgré la tourmente révolutionnaire durant laquelle se déroula son enfance et son adolescence, Requien s’intéressa bientôt à l’Histoire naturelle. Dès 1808 il est en relation d’échange avec quelques botanistes locaux.
Rapidement, le cercle s’agrandit et les correspondants deviennent européens et de grande réputation. Un seul nom De Candolle. Une seule réflexion : Je lui [de Candolle] ai fait reconnaître plusieurs erreurs dans sa flore (lettre à Loiseleur-Deslongchamps). La botanique, bien sûr, mais également la paléontologie et la pétrographie furent des domaines où il excella.

Naturellement, dans la lignée des honnêtes hommes du XVIII° siècle, Requien n’ignora pas les disciplines qui telles l’histoire, l’archéologie et naturellement les Beaux-Arts sont la base de l’érudition de toute personne s’intéressant à sa cité, à sa province.

Ayant placé quelques gérants à la tête de son affaire et maraîchers pour s’occuper de ses terres agricoles, Requien put bientôt se dévouer entièrement au Bien Public. Son attachement indéfectible pour Avignon l’amena rapidement à prendre part aux travaux de la Commission Administrative du Musée Calvet (ou Fondation Calvet) et à devenir bientôt l’un des trois exécuteurs testamentaires d’Esprit Calvet.

Son activité au sein de ce musée dont il devint, comme le disait Joseph Girard «le second fondateur» fut débordante mais pas toujours appréciée par les avignonnais, notamment dans ce qu’on appela l’affaire des marbres Nanni.

Ce n’est que vers la fin de sa vie que Requien fut officiellement chargé de la direction des Musées, de la Bibliothèque et du Jardin botanique (aujourd’hui disparu). Les dons qu’il fit à ces établissements et ses connaissances diversifiées le justifiaient pleinement.

Outre les arts et les sciences naturelles, Requien cultivait un goût particulier pour les livres. Le livre constitue pour Requien la base élémentaire et préalable à toute étude ; rien ne peut se faire (particulièrement en sciences naturelles) si l’on ne connaît les travaux antérieurs dédiés à la chose étudiée.
Appliquant cette évidence à ses propres recherches, Requien tâche de réunir sa vie durant les documents les plus anciens ayant trait tant à l’histoire d’Avignon, du Comtat et plus généralement du Midi de la France qu’à l’histoire naturelle.

Concernant l’histoire du Midi de la France, Requien réussit à se procurer des documents essentiels et inestimables (car rarissimes) comme des bulles papales dont une de l’anti pape Benoît XIII, un cartulaire débutant en 1222 ... Et lorsqu’il ne pouvait acquérir les originaux, il chargeait quelque ami de les copier pour lui.

Pour l’histoire naturelle, ce fut la même chose. Il tissa à travers la France entière un réseau de correspondants qui lui signalaient les livres rares ou précieux se présentant à la vente et qu’ils achetaient pour lui. Il constitua ainsi une bibliothèque scientifique dont il pouvait dire à juste titre que Hors Paris, il n’y a en pas en France d’aussi nombreuse (testament, 1849). Il faut dire que Requien était pénétré de cette idée essentielle qu’une bibliothèque provinciale doit valoir surtout par la réunion aussi complète que possible des publications... sans en dédaigner une seule, même la plus insignifiante (Labande, 1897). Et, de fait, des plus grands traités jusqu’aux catalogues de pépinières, la bibliothèque scientifique de Requien contient depuis les ouvrages de la Renaissance jusqu’aux contemporains de son décès en 1851 un échantillonnage très précis de tout ce que l’Europe a pu éditer. Ce sont plus de 3400 numéros représentant près de 6000 volumes que REQUIEN légua le 18 janvier 1840, via la Fondation Calvet, à l’ensemble de ses concitoyens.

Le grand herbier en français d’Isaac de Plataire (1521), L’histoire entière des poissons de Guillaume Rondelet (1558), Les commentaires des six livres de Dioscorides de Matthiole (1579), Historiae animalium de Conrad Gessner (1602), Monstruorum historia d’Aldrovandi (1640) etc. sont quelques titres précieux que recèle la bibliothèque scientifique de REQUIEN. Précieux et curieux aussi, tel le Boston de Flore de Louis François Henri Lefébure (1820) consistant en un jeu de cartes pour apprendre facilement (aux dames et jeunes filles) les arcanes de la botanique. Rares et intéressantes les nombreuses thèses de médecine traitant principalement de phytothérapie. Inattendus, les divers catalogues et listes de pépiniéristes européens avec indication des prix. Irrévérencieux, le Spécimen monochologiae methodo linnaeana de Joannis Physiophili (1783) ou l’Essai sur l’histoire naturelle des Moines décrits à la manière de Linné de Jean d’Antimoine (1784). Espiègle l’Histoire naturelle, drolatique et philosophique des professeurs du Jardin des plantes, des aides-naturalistes, préparateurs etc. de Isidore S. de Gosse (1847). On oubliera que ... vous aviez une collection d’ouvrages polissons (il me semble vous en avoir donné un en 1829, qui vous fit beaucoup de plaisir !). Je viens de m’en procurer deux à votre intention et je vous les adresse... (Lettre de Moquin-Tandon, 1835).

Requien avait organisé sa bibliothèque en dix grandes sections. La Botanique/Agriculture occupait la place prépondérante avec 1254 ouvrages suivie de très loin par la Géologie au sens large (590 numéros). Histoire/Géographie, Zoologie et Médecine/Pharmacie avec deux à trois cents ouvrages chacune étaient les moins bien représentés. Quant aux
Sciences Physique et Mathématiques et Histoire naturelle poétique et littéraire elles comptaient pour très peu de chose. Les ouvrages du XVIème siècle sont les moins nombreux (à peine 66 entrées) ; on compte 164 titres pour les livres du XVIIème siècle et à peine plus de 900 pour ceux du XVIIIème siècle. Le XIXème siècle, avec 2218 numéros, est le mieux représenté.

A ces achats de livres doivent également s’ajouter les abonnements à divers journaux et revues scientifiques, organes officiels de sociétés savantes. Le nom de Requien était tellement connu qu’on le sollicita de l’Europe entière non seulement comme membre étranger mais aussi en tant de fondateur de certaines de ces sociétés telle la Société géologique de France dont la bibliothèque possède le bulletin depuis le numéro 1.

Au contraire de sa Bibliothèque historique du Midi de la France, la collection scientifique ne fut pas estimée au jour du don de Requien. Toutefois, divers reçus, notes et factures retrouvés dans sa correspondance (mais il est vraisemblable que ce récolement ne soit pas exhaustif) montrent qu’entre 1807 et 1845 Requien dépensa près de 34.000 francs en achats d’ouvrages d’histoire naturelle et abonnements.

Il serait vain de rechercher dans le catalogue de la Bibliothèque d’histoire naturelle de Requien quelque penchant à la bibliophilie et sur les rayonnages quelque ouvrage précieux à la reliure impeccable ou d’édition rare. Seul le contenu intéressait Requien pour qui ces livres étaient avant tout de précieux instruments de travail.

Pierre Moulet, Conservateur Musée Requien Avignon - Janvier 2011

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